Cai-rn : un réseau pour l’archéométrie - CEA - Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Les Nouvelles de l'archéologie Année : 2016

Cai-rn : un réseau pour l’archéométrie

Résumé

Pour certains, l’archéologie et l’archéométrie ont des objectifs communs mais se différencient par les moyens d’étude. Pour d’autres, l’archéométrie est intégrée dans l’archéologie, et plus précisément dans un ensemble de spécialités appelées sciences archéologiques ou « sciences pour l’archéologie », comme en témoigne le nouvel intitulé des masters d’archéologie. Quoi qu’il en soit, les méthodes d’investigation mises en œuvre par l’archéométrie sont fondées sur l’étude des informations enregistrées par les objets anciens ou les archives environnementales, à différentes échelles d’analyse, à partir de la mesure instrumentée de paramètres inaccessibles à l’observation visuelle. Ces méthodes relèvent de disciplines des sciences physico-chimiques, des sciences de la terre et de la vie, des sciences environnementales. L’archéométrie est ainsi fortement inter- et transdisciplinaire. 2Depuis quelques années, et à la suite de précédentes actions institutionnelles initiées notamment par le Cnrs (réseaux thématiques pluridisciplinaires « Archéométrie », dirigé par Pierre Guibert, « Taphonomie », dirigé par Jean-Philip Brugal et « Paléogénétique », dirigé par Jean-Denis Vigne puis Eva-Maria Geigl, appels interdisciplinaires de recherches, groupements de recherche…), la communauté des archéomètres a structuré ses compétences archéométriques interdisciplinaires (Cai) au sein d’un réseau national (Rn). Ainsi est né Cai-rn, qui a rejoint la plateforme réseaux de la mission à l’interdisciplinarité du Cnrs. Ce réseau se donne pour objectif une réflexion sur les métiers de l’archéométrie. Il est ainsi complémentaire de structures associatives existantes telles que le Groupe des méthodes pluridisciplinaires contribuant à l’archéologie (Gmpca). Un de nos objectifs consiste, en complément d’une réflexion sur le métier, à diffuser l’information au sein de la pluralité des archéomètres et à mieux fédérer cette pluralité, en mettant en relation des communautés de chercheurs avec lesquelles l’archéométrie interagit fortement, tant en sciences humaines qu’en sciences dites « exactes ». Un autre objectif vise à assurer une veille scientifique et technique permettant de pointer les avancées dans ces domaines, mais également les aspects nécessitant un soutien, une structuration particulière ou une réflexion prospective. Ces réflexions et prospectives peuvent déboucher sur la mise en place d’actions spécifiques de formation (journées, thématiques, actions nationales de formation ou aide aux écoles thématiques du Cnrs) dont un aperçu est donné dans l’article de Philippe Dillmann, Marie Balasse et Ludovic Belllot-Gurlet sur les objectifs et les actions du réseau Cai-rn. 3Ce numéro s’inscrit dans la mission que le réseau s’est fixée de dissémination de l’information « achéométrique » vers, avec et pour l’archéologie. Quelques contributions illustrent ici les nouvelles approches dans ce domaine foisonnant. Des avancées significatives ont été réalisées dans différents champs de l’archéométrie ces dernières années, en rapport avec des innovations techniques et informatiques. On citera par exemple, du point de vue des méthodologies, l’emploi de plus en plus conséquent des instruments portables, qui offrent la possibilité de faire des mesures directement sur le terrain ou le chantier archéologique, influençant ainsi directement les stratégies de fouilles. Ces appareils, pour être vraiment efficaces, doivent cependant être mis en œuvre de manière extrêmement rigoureuse au sein de collaborations étroites entre archéologue et archéomètre, afin d’éviter la production de données fausses car mal exploitées ou mal acquises. Autre exemple : les études sur la circulation des matériaux métalliques ont fait de nombreux progrès en lien avec une compréhension fine des chaînes opératoires et l’usage pour les métaux ferreux des approches statistiques multivariées couplées à des stratégies analytiques graduées et adaptées. Il devient également possible de dater avec une bonne fiabilité les métaux ferreux par la méthode radio-carbone. Aujourd’hui, l’enjeu majeur réside dans la constitution de référentiels ad hoc conduisant à des modélisations nécessaires et très informatives dans les reconstitutions, notamment paléoenvironnementales. Du point de vue des concepts, les approches archéométriques proposent également d’importantes nouveautés : par exemple, au-delà des analogies avec des systèmes pastoraux contemporains, qui fournissent des modèles dont peut s’inspirer l’archéozoologue pour la reconstitution des systèmes d’élevage du passé, il est aujourd’hui possible d’interroger les restes osseux des animaux domestiques, et notamment leur composition isotopique, en complément des études plus classiques. Des informations aussi précieuses que la saison de naissance ou la mobilité des animaux, paramètres essentiels de l’organisation des économies pastorales, sont ainsi révélés. 4Dans le domaine de l’archéologie biomoléculaire, les recherches ont également fait des progrès considérables ces dernières années. Elles sont en effet passées à l’étude de séries archéologiques conséquentes, en particulier pour ce qui a trait à la caractérisation des matières organiques conservées dans les céramiques. Les recherches permettent maintenant de discriminer un grand nombre de matières grasses (de poissons, de mammifères domestiqués, en distinguant graisses de ruminants et de nonruminants, huiles végétales, produits laitiers, cire d’abeille, etc.) mais aussi d’autres substances comme les boissons fermentées (vin en particulier, ou cacao sur le continent américain). Tout l’enjeu des recherches futures va être d’explorer le potentiel informatif de nouvelles familles chimiques, mais aussi de coupler ces approches analytiques avec la recherche de micro- et macrorestes potentiellement piégés dans les céramiques (phytolithes, grains d’amidon, etc.). 5Les études liées aux grottes ornées ont été renouvelées. Aux considérations sur les savoir-faire des artistes du Paléolithique se sont ajoutées des approches spécifiques sur la conservation des parois et des peintures. L’émergence de notions nouvelles, sur lesquelles repose la préservation des œuvres pariétales et des vestiges archéologiques, a nourri progressivement les recherches engagées pour comprendre les principaux processus, aussi bien passés que présents, responsables des changements dans les milieux souterrains. L’évolution de ces concepts marque le début d’une recherche axée sur ces processus taphonomiques de l’art pariétal préhistorique. Ici également, le rôle des instruments portables, avec leurs limites intrinsèques, est appelé à devenir de plus en plus important, voire incontournable. Du point de vue des techniques de prospection géophysique, la mesure de la déformation du champ magnétique à une résolution infradécimétrique au-dessus d’objets archéologiques (sub)affleurant permet d’accéder à des informations non observables à l’œil nu. De nouvelles méthodes associées aux cadences de mesure élevées des magnétomètres permettent aujourd’hui de couvrir des surfaces de plusieurs mètres carrés en quelques heures, sans entraîner de forte perturbation lors de la fouille. Enfin, du point de vue de la restitution des paléoenvironnements végétaux, l’un des derniers développements de la palynologie vise sinon à rectifier totalement, du moins à corriger à l’aide de modèles mathématiques la relation non linéaire maintes fois constatée entre comptages polliniques et proportions réelles des différentes essences au sein du couvert végétal. 6La présentation – non exhaustive – de ces avancées a pour premier objectif de mieux les faire connaître à la communauté des archéologues de terrain, et au-delà. Il devient nécessaire de réduire, voire de supprimer les éventuels hiatus entre la recherche de pointe en archéométrie et la pratique archéologique quotidienne et de mieux articuler terrain et paillasse. On sait que le succès de l’application des méthodes archéométriques tient, pour une grande part, dans la qualité du questionnement archéologique en amont et, d’autre part, dans celle des prélèvements et des actions de terrain qui doivent être, si possible, intégrés dans une démarche globale dès le début de la fouille. De manière complémentaire, il convient d’avoir conscience des limites et des conditions de succès de chacune des méthodes mises en œuvre. Toute mention d’« approche miracle ou révolutionnaire », toute fascination de la « magie du chiffre exact » est à proscrire dans nos domaines de recherche. Ainsi, un des enjeux majeurs des années à venir, quel que soit le domaine archéométrique considéré, est de renforcer l’intégration entre les recherches archéologiques (notamment sur les typo-, chrono-, morphologies) et la constitution de référentiels archéométriques. Cela passe par la mise en place de démarches communes et d’un dialogue où les échanges interdisciplinaires ne masquent pas les exigences propres à chaque discipline. Cela dépend aussi de la qualité de l’interface entre des bases de données dites de spécialistes et les bases dites généralistes. La constitution de ces référentiels communs, leur partage et leur exploitation scientifique devraient, à notre sens, être un des objectifs majeurs des années à venir en archéologie et archéométrie.

Domaines

Matériaux

Dates et versions

cea-01295456 , version 1 (31-03-2016)

Identifiants

Citer

Philippe Dillmann, Jean-Philip Brugal. Cai-rn : un réseau pour l’archéométrie. Les Nouvelles de l'archéologie, 2016, 138, pp.3-4. ⟨10.4000/nda.2662⟩. ⟨cea-01295456⟩
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